Élections européennes le 26 mai : quelle Europe voulons-nous ?
Prochainement auront lieu les élections au Parlement européen et cela dans un contexte difficile, tant au plan national qu’européen. Dire que l’Europe n’a pas bonne presse est une banalité : pour beaucoup de nos concitoyens elle semble lointaine, technocratique, souvent inefficace.
Et pourtant, il nous semble important d’inviter les catholiques, et au-delà l’ensemble des citoyens, à participer aux élections des députés au parlement européen et à s’exprimer, non d’abord sur des enjeux nationaux, mais en fonction des projets portés par les différentes listes qui se présenteront au suffrage des électeurs. Il ne s’agit pas de s’enfermer dans un schéma manichéen (pour ou contre l’Europe) mais de dire quelle Europe nous voulons, le modèle économique, social, culturel et spirituel qui nous semble le plus adapté pour notre continent aujourd’hui.
Les pouvoirs du Parlement européen ont été accrus au fil des ans et il est bon de nous rappeler que beaucoup de décisions européennes influent sur notre vie quotidienne, par les politiques communes (agricole par exemple), l’échange des biens et services, la circulation des personnes, la mise en place depuis vingt ans d’une monnaie commune, l’harmonisation des réglementations, la politique commerciale internationale.
L’Europe est un continent marqué par son histoire, douloureuse et conflictuelle. Pas moins de trois guerres franco-allemandes en moins d’un siècle, deux guerres mondiales y ont été déclenchées, les totalitarismes du XXème siècle y sont nés. L’Église catholique a toujours été attentive à cette consolidation de la paix dans la construction européenne. Nous en voyons encore la fragilité, particulièrement après avoir commémoré le centenaire de la fin de la première guerre mondiale, en nous souvenant des millions de morts qu’elle a entraînés. Si la paix en Europe semble aujourd’hui acquise pour les jeunes générations, rappelons-nous que la guerre est aussi à notre porte, hier dans les Balkans, aujourd’hui en Ukraine.
Cette histoire difficile et complexe a aussi permis de progresser en Europe vers une vision de l’homme et de la société qui comporte un grand nombre de valeurs et de principes communs entre nos pays (droits humains, respect de la personne, solidarité et recherche d’un bien commun), dont beaucoup sont issus du christianisme. « Personne et communauté, comme le disait le pape François, sont donc les fondements de l’Europe que, en tant que chrétiens nous voulons et pouvons contribuer à construire. Les pierres de cet édifice s’appellent : dialogue, inclusion, solidarité, développement et paix. » (1)
Chacun voit bien que certaines solutions ne peuvent être trouvées sur une seule base nationale. Ainsi en est-il de la question des migrants. Le pape François l’a rappelé aux responsables européens : « On ne peut pas penser que le processus migratoire soit un processus sans discernement et sans règles, mais on ne peut pas non plus ériger des murs d’indifférence ou de peur ». (2)
Un autre aspect qu’il nous faut souligner dans les enjeux actuels du débat européen est la question de la place de l’Europe dans le monde et dans le fonctionnement d’une économie mondialisée. Plus que nous ne le pensons et l’imaginons, l’Europe est attendue et regardée par d’autres pays et d’autres ensembles en construction (Amérique du Sud, Asie…). « En vingt ans le monde a profondément changé et il est clair qu’il n’est plus centré sur l’Europe. La question est bien de voir si ce que l’Europe a pu apporter au monde dans sa compréhension de l’homme, de sa dignité inaliénable, de ses droits fondamentaux, de sa capacité relationnelle et solidaire, pourra encore être affirmé demain et proposé comme un idéal sur d’autres continents. » (3) . Devant les mutations très rapides des équilibres géopolitiques entre les grandes puissances, si nous plaidons pour des relations internationales mieux organisées et davantage régulées, tant au point de vue politique qu’économique et commercial, c’est bien l’Europe, et sans doute elle seule aujourd’hui, qui peut en être la cheville ouvrière et le fer de lance.
Nous avons à aider les citoyens européens à discerner la nature des choix à effectuer pour que l’Europe réponde davantage à leurs attentes mais aussi à sa mission propre dans l’évolution du monde. Catholiques de France et d’Europe, prions les saints patrons de notre continent pour ses habitants et ses élus (4).
Le 25 mars 2019
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France